Artiste-Auteur par intermittence en demande de Statue (pardon, « Statut ») - Le monde dans lequel je vis

Monsieur,

Je vous écris car j’ai un problème, grave : je suis auteur.

Selon la législation française, la dénomination auteur qui est apparue en 1180 dans notre beau langage, n’existe pas.

Je vais vous expliquer ma situation actuelle, non pas pour que vous me connaissiez personnellement mais pour que vous sachiez la cause réelle de mon tourment qui est celui de bon nombre de mes comparses et qui, je l’espère, par votre entremise, verra naître une issue favorable à cette grande absurdité.

J’ai écrit et publié 3 romans de fiction : je suis donc écrivain.
J’ai écrit et publié 2 récits de vie : je suis donc biographe.
J’ai écrit et fait jouer 2 pièces de théâtre : je suis donc dramaturge.
J’ai écrit un recueil de nouvelles : je suis donc nouvelliste.
J’ai écrit des scénarios de courts et de longs métrages dont certains ont été tournés : je suis donc scénariste.
J’ai écrit pour mon plaisir quelques poèmes : je suis donc poète.
J’ai écrit des revues de presse : je suis donc rédactrice.
J’ai écrit des billets d’humeur sur des sites Internet : je suis donc bloggeuse.

En fait pour résumer : je choisis des mots pour fabriquer des phrases.

Lorsque l’on me demande ce que je fais dans l’existence je pourrais dire que je suis écrivain-biographe-dramaturge-nouvelliste-scénariste-poètesse-rédactrice-bloggeuse mais, pour ne pas lasser mon auditoire et passer pour une schizophrène démago je préfère  me définir comme étant un auteur. Et depuis que je suis auteur je n’existe plus.

Si je m’étais contentée, comme je l’ai fait durant 25 ans, d’écrire tout cela dans ma chambre et de faire lire ma production artistique à ma famille et à mes amis proches, je ne me serais jamais trouvée dans cette situation dramatique aux yeux de la société dans laquelle je vis.
Mais voilà, j’ai décidé fortuitement de vivre de ma plume et de me faire rémunérer pour cela.

Bien sûr, il aurait été plus simple de me faire payer le fruit de mon travail d’une façon que l’on nomme communément « au noir » mais j’ai eu l’outrecuidance de vouloir déclarer mes revenus et de payer des impôts.

Seulement, comment faire ? Auteur, je vous le rappelle, n’étant pas reconnu comme un statut à part entière, il me faut morceler mon activité et m’affilier auprès des différents organismes dont je dépends. Or, selon l’URSSAF, la Chambre du Commerce et le Centre des Impôts, je n’en ai pas le droit. Il me faut regrouper toutes mes activités sous un seul et même statut, mais lequel ?
L’AGESSA ne prend en compte qu’uniquement mes droits d’auteurs (des droits de quoi ???) concernant les livres que j’ai écrits…La SACD ? Seulement les pièces de théâtre. Scénariste ? Je deviens intermittente du spectacle. Biographe pour une maison d’édition ? Je suis salariée. Et rédactrice, alors là, c’est carrément autre chose ! J’ai dû monter une entreprise individuelle afin de facturer mes piges mais je ne peux pas faire passer mes autres écrits dans les bénéfices de ma société.

Au bout du compte, 5 organismes différents s’occupent de mes différents écrits sur différents supports et je suis hors la loi !

En plus, je vous informe que je n’ai pas de fiches de paie puisque tout est reporté sur ma feuille d’imposition directement et que si je cherche un nouveau logement ou que je change de banque il me faut fournir mes 3 dernières feuilles de salaires et je n’en ai pas.
Pour couronner le tout, lorsque ma pénurie financière se fait grande et que je souhaite m’inscrire à Pôle-emploi je dois cocher 4 cases à la suite dans la section « autre », tout comme à la caisse d’allocation familiale et à la sécurité sociale…

Bref, tout cela n’est pas si important au fond comparé à toute la misère du monde mais franchement qu’ai-je comme solution « autre » que de renoncer à une partie de ma production ? Dois-je cesser d’écrire des romans ou des articles de presse ? Dois-je me concentrer uniquement sur le théâtre ou la poésie ?

J’entends ça et là que la France ne compte que peu d’auteurs (pardon d’écrivains, ou de scénaristes, ou de dramaturges ou de …) qui vivent de leur plume. Les a-t-on vraiment comptés ou sont-ils inscrits sous le statut d’ouvriers, de cadres voir d’agriculteurs ? Combien de personnes qui écrivent (ou pas) sont regroupées dans la catégorie « autre »?

Ma demande est simple. Je voudrais avoir le statut d’auteur, mais d’auteur global celui qui consiste à définir que quiconque exprime une idée au moyen d’un système convenu de signes graphiques (pas dessinateur hein ?) est bel et bien un auteur, juste un auteur.

Merci de votre écoute.

Ci-joint un petit dessin de mon mari, dessinateur-illustrateur-caricaturiste qui n’est pas inscrit à la Maison des Artistes puisqu’il n’est pas plasticien.

Bien à vous.